Mont-Ventoux

Le Parc Naturel Régional du Mont-Ventoux est devenu en 2020 le 56ème PNR français. Dans le cadre de la réhabilitation du sommet du même nom, le syndicat mixte a souhaité mettre en place un nouvel itinéraire d’interprétation. Une consultation a ainsi été lancée, afin de choisir un partenaire technique chargé de concevoir un scénario de visite, le contenu de la signalétique informative, ainsi qu’un support (papier) de visite. Notre proposition a tenu compte du contexte spécifique du mont Chauve, des problématiques de protection et de valorisation de cet espace naturel. En collaboration avec l’illustrateur Cyrille Beirnaert et le studio graphique NDBRG, nous avions imaginé ceci :

Une signalétique en trois volets

«Pierres qui parlent» sur le chemin de crête, «lutrins» et panneaux d’affichage sur le belvédère et «guide» en main : à chaque support son récit et sa manière d’explorer le Mont Ventoux. Nous avons souhaité que ces trois manières d’informer le public se répondent, en jouant sur les échelles de perception et les codes de représentation du paysage. Bien que chaque support manifeste des caractéristiques singulières, l’ensemble serait soutenu et unifié par une ligne graphique épurée, mêlant dessins de gravure, peintures et limpidité de la présentation.

Micro/macro : les échelles du patrimoine

Pour ceux qui en ont la capacité, la visite du Mont Ventoux se fait en deux temps : une partie active – en montée et en descente – et une autre, la halte au sommet, plus passive si on la compare à la première. Le contraste existant entre l’exploration dynamique du sentier et la pause contemplative du belvédère fait écho à d’autres oppositions présentes sur le site et participant au patrimoine local : l’opposition du microscopique et du macroscopique, du détail et de l’ensemble, du vivant et du paysage. C’est en restituant la tension existant entre ces échelles et le moment charnière où elles se rejoignent que nous proposons de tisser un fil narratif.

Les pierres : signalétique dynamique, la trace du vivant

Plantées dans le sol, les pierres ponctuent le chemin de crête comme des bornes kilométriques, indiquant notre progression dans un décor confusément minéral. Les informations qu’elles embarqueront n’auront pas pour but de rendre un portrait exhaustif des environs. Au contraire, elles sont le lieu des anecdotes, l’occasion de faire des apartés sur une faune et une flore discrètes.

Une partie de la surface des pierres du sentier pourrait être dédiée à la description d’une espèce recensée. Une autre pourrait inclure des informations comme l’altimétrie, un plan de situation du chemin de crête, le numéro de la borne, l’orientation du nord, etc… Le tout serait composé sur une base majoritaire de vide, permettant aux éléments et à l’oeil de respirer. Comme les pierres se succèdent sur un chemin linéaire et ascensionnel, on peut les envisager dans une suite narrative, avec des effets de suspense. Par exemple : en se rapprochant du sommet, les pierres pourraient traiter d’éléments de plus en plus aériens ou massifs (oiseaux, arbres, etc.), et dans un cheminement inverse, en descendant, de plus en plus terriens et petits (lézards, lichen, fleurs, etc.). Tout en maintenant une rigueur thématique, cela renforcerait le sentiment de s’approcher ou de s’éloigner d’une centralité, et créerait l’intrigue sur le contenu de l’élément suivant. Un jeu de questions-réponses entre les pierres pourrait
également, à la manière d’un jeu de piste, contribuer à la découverte de la faune et la flore.

Le belvédère : signalétique statique, le temps du paysage

Cette mise en mouvement par les «pierres qui parlent» trouvera son point d’arrêt à l’entrée du belvédère. Ici, les lutrins, les panneaux d’affichage ne se préoccuperont plus de décrire des espèces et leurs particularités, mais porteront un regard plus général sur l’environnement du Mont Ventoux. Accompagnant ce changement, les illustrations se départiront d’un vocabulaire naturaliste pour rejoindre celui des cartographes.

De la même manière que les sous-titres traduisent discrètement un film sans en dénaturer la langue et l’expression, les lutrins et les panneaux seraient disposés pour renseigner et compléter le paysage sous nos yeux. Le dessin se contenterait de pointer et de souligner les émergences importantes du panorama par un jeu de lignes et de signes plus schématiques et abstraits, se superposant au réel. Le temps de la contemplation étant aussi celui où l’on se permet de lire, on privilégierait sur le belvédère la part d’explications et de citations à la partie graphique.

Le guide : faire écho

Le support papier – «le guide» – regroupera la majorité des informations présentes sur le parcours. Cependant, son rôle ne devrait pas se limiter à celui de simple objet synthétique. Les illustrations et les récits que l’on y
trouverait devront différer de celles présentes sur le site. Pour renforcer la singularité de chaque support, mais aussi pour en faire un objet de communication à part entière. Si le guide expose une narration intelligente des lieux, si les illustrations sont belles et marquantes, les chances que les visiteurs conservent le dépliant pour en parler à leur entourage seront d’autant plus grandes. Pour compléter les dessins de gravure et rendre compte de la beauté des environs sans avoir recours à la photographie, on ferait également appel à la peinture. C’est la technique idéale pour suggérer les variations existant dans un même paysage entre un coucher de soleil dégagé et une journée brumeuse, choses que le randonneur ne pourrait jamais constater au même moment. Le guide devrait également remplir une fonction ludique, et renforcer l’échange entre visiteurs, par l’entremise d’histoires ou de jeux de piste. On pourrait par exemple inclure l’équivalent d’une pierre de rosette dans l’un des rabats du dépliant, dont la superposition avec certains messages présents sur les supports d’information, permettrait de les décoder.

Un système cohérent

Le support papier ne doit pas être le seul à faire écho aux autres formats d’affichage. Les informations présentes sur les «pierres qui parlent» pourraient offrir une partie des explications sur un sujet, dont le sens serait complété sur le belvédère par la lecture des «lutrins». Parfois à la manière d’un jeu ou d’une énigme, à d’autres occasions comme une simple évocation poétique, un rappel. Ainsi, les promeneurs qui auront prêté attention aux informations disséminées sur le chemin de crête possèderont des clés supplémentaires pour comprendre certains éléments présents au sommet. Ce système n’a pas pour but de pénaliser les visiteurs inattentifs, empressés ou inaptes, mais de créer un niveau de profondeur et corrélation supplémentaire entre le belvédère et le sentier qui y mène. Le but est de construire l’impression d’un savoir à creuser, de transmettre l’envie de revenir vers ces éléments de signalétique et de refaire la balade.

Suite à délibération cette proposition n’a pas été retenue. Nous avons fini deuxième. Si toutefois notre démarche interprétative vous intéresse : www.garluche.co/contact